REVIREMENT DE JURISPRUDENCE SUR LES DELAIS D’ACTION RECURSOIRE :

07/01/2023 - La Cour de cassation considère désormais que ce n’est plus l’assignation en référé-expertise mais l’assignation au fond délivrée à l’initiative du demandeur qui fixe le point de départ du délai de recours.

Avec la réforme de la prescription (Loi n°2008-561 du 17 juin 2008), le délai de prescription de droit commun de dix ans prévu par l’ancien article 2270-1 du Code civil avait été ramené à cinq ans par le nouvel article 2224 du même Code (« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer »). 
 
Depuis cette réforme, se posait la question de l’applicabilité aux recours entre constructeurs de l’article 1792-4-3 du Code civil qui dispose qu’en « dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ». 
 
Depuis 2016, la Cour de cassation considérait que l’assignation en référé-expertise par laquelle le maître de l’ouvrage mettait en cause l’entrepreneur principal constituait le point de départ du délai de l’action récursoire de cet entrepreneur à l’encontre des sous-traitants (Cass. civ. 3ème, 19 mai 2016, n° 15-11355). La Cour de cassation a confirmé cette position par différents arrêt (notamment Cass. Civ. III, 16 janvier 2020, n° 18-25915, Cass, Civ. III, 1er octobre 2020, n° 19-13131). 
 
Opérant un important revirement de jurisprudence, par deux arrêts (Civ. I, 8 décembre 2022 n° 21-16413Civ. III, 14 décembre 2022, n° 21-21305),
la Cour de cassation considère désormais que ce n’est plus l’assignation en référé-expertise mais l’assignation au fond délivrée à l’initiative du demandeur qui fixe le point de départ du délai de recours. 
 
Le dernier arrêt est publié au Bulletin (de la Cour de cassation) signifier son importance. La Cour de cassation a ainsi statué : 
 
« Par un arrêt rendu le 16 janvier 2020 (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié au bulletin), la troisième chambre civile a jugé, d'une part, que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relevait des dispositions de l'article 2224 du code civil et se prescrivait par cinq ans à compter du jour où le premier avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, d'autre part, que tel était le cas d'une assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal, laquelle mettait en cause la responsabilité de ce dernier. 
 
Cette dernière règle oblige cependant les constructeurs, dans certains cas, à introduire un recours en garantie contre d'autres intervenants avant même d'avoir été assignés en paiement par le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, dans le seul but d'interrompre la prescription. En effet, même lorsqu'ils ont interrompu la prescription en formant eux-mêmes une demande d'expertise contre les autres intervenants à l'opération de construction, le délai de cinq ans qui, après la suspension prévue par l'article 2239 du code civil, recommence à courir à compter du jour où la mesure d'expertise a été exécutée, peut expirer avant le délai de dix ans courant à compter de la désignation de l'expert, pendant lequel le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage peuvent agir en réparation de leurs préjudices. 
 
La multiplication de ces recours préventifs, qui nuit à une bonne administration de la justice, conduit la Cour à modifier sa jurisprudence. 
 
Le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l'application de la prescription extinctive, avant l'introduction de ces demandes principales. 
 
Dès lors, l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures. 
 
La jurisprudence nouvelle s'applique à l'instance en cours, dès lors qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à la sécurité juridique de la société L'Auxiliaire tout en préservant le droit d'accès au juge de la société ATE et de la MAF. 
 
Pour déclarer irrecevables les demandes de la société ATE et de la MAF, l'arrêt relève que ces sociétés ont assigné la société L'Auxiliaire en mars 2018, plus de cinq années après le 13 septembre 2011, date à laquelle la requête aux fins d'expertise les concernant avait été adressée au tribunal administratif par le maître de l'ouvrage, sans qu'il soit fait état d'aucun acte interruptif entre ces deux dates. 
 
En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'assignation avait été délivrée à la société L'Auxiliaire par la société ATE et la MAF moins de cinq ans après la requête de l'OPH adressée à la juridiction administrative aux fins d'indemnisation de ses préjudices, la cour d'appel a violé les textes susvisés ». 
 
Néanmoins, il convient de relever que ce revirement ne s’applique pas si l’assignation en référé-expertise s’accompagne d’une demande de reconnaissance d’un droit, et notamment une demande de provision. 
 
La Cour de cassation a en effet précisé : « dès lors, l’assignation (en référé-expertise), si elle n’est pas accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l’action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures ». 
 
Ainsi, si l’assignation en référé-expertise comporte également une demande de provision, il convient de considérer que cette dernière fait courir la prescription quinquennale.  
 
En dehors de cette hypothèse, l’assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l’ouvrage ne constitue plus le point de départ de la prescription dans le cadre des recours entre constructeurs. 


MISE EN OEUVRE DU REFUS DE RACCORDER UN IMMEUBLE AU RESEAU ELECTRIQUE.

14/11/2022 - Le refus opposé par ENEDIS de raccorder au réseau électrique un immeuble édifié sans permis de construire, mesure de police de l’urbanisme destinée à assurer le respect des règles d’utilisation du sol, ne peut résulter que d’une décision de l’autorité administrative compétente.

Les consorts H et V avaient acquis deux parcelles, sur lesquelles sont édifiés deux logements à usage d'habitation. Début 2016, la Société Enedis avait procédé, sur injonction du Maire de la Commune, à la suppression du branchement au réseau électrique de ces parcelles. Le branchement avait été rétabli le 4 août 2016 après une instance en référé initiée par les consorts X. 
 
Le 27 octobre 2016, la Société Enedis avait de nouveau supprimé le branchement électrique à la suite d'une nouvelle injonction du Maire, mais le 9 novembre suivant, le Juge de référé du Tribunal Administratif avait suspendu l'injonction du Maire et enjoint à la Commune de prendre auprès de la Société ENEDIS les mesures destinées au raccordement des logements sous astreinte. Puis, le 25 octobre 2018, le Tribunal Administratif avait annulé l'injonction du Maire. 
 
Se plaignant du refus opposé par la Société ENEDIS de procéder au rétablissement du branchement au réseau électrique, les consorts H et V avaient fait assigner en référé aux fins d'obtenir principalement la remise en état sous astreinte de ce raccordement. 
 
Par arrêt du 4 mars 2021 rendu en référé, la Cour d’Appel de Versailles avait donné satisfaction aux consorts H et V, et la Société ENEDIS avait formé un pourvoi, au motif qu'il n'existerait aucune disposition particulière faisant obligation au gestionnaire du réseau public de distribution de l'électricité de raccorder tout logement à l'électricité, et que les constructions, qui n'ont pas fait l’objet d'un permis de construire, ne pouvaient être raccordées définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone, quelle que soit la date à laquelle elles avaient été édifiées. 
 
La Cour de cassation a ainsi répondu : « En application de l'article L. 111-12 du code l'urbanisme (alors en vigueur), le refus de raccorder un immeuble, mesure de police de l'urbanisme destinée à assurer le respect des règles d'utilisation du sol, ne peut résulter que d'une décision de l'autorité administrative compétente (Civ. III, 15 juin 2017, n° 16-16838, Bull. 2017, III, n° 74). 
 
La Cour d'appel a, par motif adopté, retenu que la Société ENEDIS avait procédé, le 27 octobre 2016, à la suppression du raccordement au réseau électrique des parcelles appartenant à M. H et Mme V en exécution de l'injonction du Maire de la Commune par décision du 23 septembre 2016, laquelle avait été annulée par la Juridiction administrative, de sorte que la suppression n'avait plus de fondement juridique. 
 
Elle a pu déduire, de ces seuls motifs, que le refus de procéder au raccordement au réseau opposé par la Société ENEDIS et la privation d'électricité qui en résultait constituaient un trouble manifestement illicite. Le moyen n'est donc pas fondé ». 
 
Cass. Civ. III, 12 octobre 2022, n° 21-17040 – Publié au Bulletin


ACTIONS EN RESPONSABILITE DU MAITRE D'OUVRAGE PUBLIC.

07/10/2022 - La prescription décennale de l’article 1792-4-3 du Code civil s’applique aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l’ouvrage public contre les constructeurs ou leurs sous-traitants, même s’il ne s’agit pas d’un désordre de nature décennale.

Dans le cadre d’un litige lié à une opération de construction, le Département de la Vendée avait versé à la Société GH., titulaire d’un lot de l’opération de travaux, en exécution d’un premier jugement du Tribunal administratif de Nantes, la somme de 660 218,26 € correspondant à des surcoûts résultant de la réalisation de plans d'exécution et de notes de calcul dont cette Société n’était pas contractuellement redevable, et de la moitié des surcoûts générés par la modification du plan constructif initial. 
 
Estimant que les manquements pour lesquels il avait été condamné étaient exclusivement imputables au groupement chargé de la maîtrise d'œuvre et dont faisait partie la Société A., le Département de la Vendée demanda au Tribunal administratif une condamnation solidaire des membres du groupement à lui rembourser ladite somme de 660 218.26 € avec intérêts. 
 
Le Tribunal administratif rejeta comme irrecevable cette demande, fondée sur la responsabilité contractuelle des membres du groupement, en raison du caractère définitif du décompte général du marché correspondant. 
 
Par un arrêt du 20 novembre 2020, contre lequel la Société A. forma pourvoi, la Cour Administrative d'appel de Nantes annula ce jugement et écarta l’exception de prescription opposée en défense dès lors que, selon elle, était applicable à l’action en responsabilité contractuelle du Département le délai de prescription décennale pour les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs, prévu à l’article 1792-4-3 du Code civil
 
Le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi de la Société A. en considérant que « la Cour n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que [les dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil] et le délai de prescription décennale qu'elles prévoient étaient applicables au litige, et en écartant par suite l'application du délai de prescription de droit commun de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil ». 
 
En l’espèce, le Conseil d’Etat a déduit des dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil, après avoir relevé qu’elles figurent dans une section relative aux devis et marchés et sont insérées dans un chapitre consacré aux contrats de louage d'ouvrage et d'industrie, qu’elles ont vocation à s'appliquer aux actions en responsabilité dirigées par le maître d'ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants, « alors même [que l’action en responsabilité contractuelle] ne concerne pas un désordre affectant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination ». 
 
Conseil d'État, 7ème section, 2èmes chambres réunies, 12 avril 2022, n° 448946 


GARDE-CORPS ET LOGEMENT DECENT.

30/09/2022 - L’absence de garde-corps aux fenêtres d’un logement loué le rend-elle « indécent » au sens de la Loi ?.

La Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2010 fait obligation au bailleur de délivrer à son locataire un logement décent, ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé de ses occupants. 
 
Après avoir accidentellement chuté d’une fenêtre dépourvue de garde-corps, d’un appartement situé en étage, un locataire a recherché la responsabilité contractuelle de son bailleur, lequel s’est prévalu de l’ancienneté de l’immeuble donné à bail. 
 
La Cour d’appel a retenu que le logement était antérieur au décret n° 55-1394 du 22 octobre 1955 imposant de doter les nouvelles constructions de dispositifs de retenue des personnes et que le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, pris pour l’application de la Loi du 13 décembre 2010, prévoyait uniquement le maintien dans un état conforme à leur usage des seuls dispositifs existants. 
 
La Cour de cassation a approuvé l’arrêt déféré d’avoir « retenu à bon droit que le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 imposait seulement aux bailleurs d'entretenir les garde-corps existants dans un état conforme à leur usage, mais non d'installer de tels dispositifs dans les immeubles anciens qui en étaient dépourvus, en l'absence de dispositions légales ou réglementaires l'imposant » et d’en avoir déduit « que le fait pour la bailleresse de ne pas avoir équipé de garde-corps les fenêtres de l'appartement donné à bail ne caractérisait pas un manquement à son obligation de mise à disposition d'un logement décent satisfaisant aux conditions prévues par le décret privé en matière de sécurité et de santé ». 
 
De même, elle a approuvé la Cour d'appel d’avoir retenu « que l'absence de garde-corps dans un immeuble construit avant 1955 ne constituait ni un vice de construction, ni une défectuosité dont le bailleur devait répondre, mais une caractéristique apparente inhérente à sa date de construction, dont le locataire pouvait se convaincre lors de la visite des lieux ». 
 
La Cour de cassation a écarté une interprétation extensive du décret du 30 janvier 2002 qui impose aux bailleurs d’entretenir les garde-corps existants dans un état conforme à leur usage, mais non d’installer de tels dispositifs dans les immeubles anciens qui en seraient dépourvus. 
 
Cass. Civ. III, 22 juin 2022, n° 21-10512, publié au Bulletin


RAPPELS SUR LES DELAIS DE PRESCRIPTION ET DE FORCLUSION.

09/08/2022 - Suivant que la réception des travaux est ou non prononcée, suivant qu’il s’agisse du recours du maître d’ouvrage contre le constructeur, ou du recours de ce dernier contre ses sous-traitants, les règles diffèrent.

Si les travaux sont réceptionnés, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs et les sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux, conformément aux dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil, lorsque la solidité de l’ouvrage est compromise ou en cas d’impropriété à sa destination. Les actions en garantie se rapportant aux éléments d’équipement se prescrivent par deux ans à compter de la réception des travaux. 
 
Enfin, les constructeurs sont débiteurs de la garantie de parfait achèvement pour les désordres, malfaçons, non-façons, non-conformités, révélés et dénoncés dans l’année suivant la réception. 
 
Cependant, faute d’engager une action judiciaire en référé ou au fond dans ce même délai d’un an courant à compter de la réception, la forclusion est acquise. En effet, la garantie de parfait achèvement et la garantie décennale sont des délais de forclusion et non de prescription. 
 
Les demandes en justice tendant à voir désigner un Expert judiciaire interrompent certes les délais de forclusion, mais seulement jusqu’à l’ordonnance désignant l’Expert : il n’y a pas de suspension des délais de forclusion pendant la réalisation des mesures d’expertise, jusqu’au dépôt du rapport de l’Expert, comme c’est le cas pour les délais de prescription. 
 
Il est par conséquent conseillé au maître d’ouvrage qui souhaite agir contre le constructeur sur ces fondements de doubler son action en référé d’une action au fond, laquelle aura pour but de solliciter le bénéfice de l’effet interruptif des délais de forclusion et un sursis à statuer, dans l’attente du rapport définitif de l’Expert. 
 
En l’absence de réception des travaux, le point de départ des délais de forclusion et de prescription attachés aux actions en responsabilité contractuelle entre le maître d’ouvrage et le constructeur est fixé au jour de la manifestation du dommage ou au jour où les faits permettant d’exercer l’action à l’encontre du constructeur sont connus (Cass. Civ. III, 24 mai 2006, n° 04-19716). 
 
Dans cette hypothèse, ce ne sont pas les délais des articles 1792 et suivants du Code civil qui s’appliquent, mais le droit commun, à savoir l’article 2224 du Code civil, lequel dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». 
 
Enfin, les recours entre constructeurs ne sont pas soumis aux délais d’action des articles 1792 et suivants du Code civil se rapportant à la garantie décennale (Cass. Civ. III, 16 janvier 2020, n° 18-25915). 
 
La Cour de cassation a jugé qu’une telle action, qui ne peut être fondée sur la garantie décennale, est de nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liés et de nature quasi-délictuelle s’ils ne le sont pas (Civ. III, 8 février 2012, n° 11-11417), et que l’assignation en référé-expertise délivrée à la requête du maître d’ouvrage à l’entrepreneur principal constitue le point de départ du délai de son action récursoire à l’encontre des sous-traitants (Cass. Civ. III, 19 mai 2016, n° 15-11355 ; Cass. Civ. III, 1er avril 2021, n° 20/14639). Attention, voir publication ici du 7 janvier 2023 (Cass. Civ. III, 14 décembre 2022, n°  21-21305).
 
Le caractère limité du bénéfice de l’effet interruptif et suspensif a également été rappelé par la Cour de cassation (Cass. Civ. III, 19 mars 2020, n°19-13459, publié au Bulletin). 


INTERDICTION TEMPORAIRE ET FORCE MAJEURE EN BAUX COMMERCIAUX.

20/07/2022 - La mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public n’entraîne pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d'une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. Un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers.

Lors du premier confinement lié au virus Covid-19, le Gouvernement avait interdit l’accueil du public dans les locaux commerciaux considérés comme non-essentiels. Des commerçants avaient décidé de suspendre le paiement de leur loyer. Leurs bailleurs avaient saisi la Justice pour obtenir paiement des loyers. 
 
La Cour de cassation fut saisie d’une trentaine de pourvois. La troisième Chambre civile a examiné trois d’entre eux en priorité, car ils lui offraient l’opportunité de répondre à des questions de principe posées par cette situation.  
 
Le Parquet général de la Cour de cassation avait versé aux débats une note du Ministère de l’Économie faisant ressortir que :  
 
- Jusqu’à 45 % des établissements du commerce de détail ont été fermés durant la crise ;  
- Le montant total des loyers et charges locatives ainsi immobilisés est estimé à plus de 3 milliards d’euros ;  
- Ces entreprises ont pu bénéficier de trois dispositifs d’aides successifs (fonds de solidarité, coûts fixes et aide loyers), ainsi que d’autres mesures de soutien. 
 
Pour la Cour de cassation, Les mesures prises par les autorités publiques pour lutter contre la propagation de la pandémie Covid-19 n’ont pas écarté l’application du droit commun de la relation contractuelle. 
 
L’interdiction de recevoir du public en période de crise sanitaire ne pouvait être assimilée à une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du Code civil. En effet, cette interdiction était générale et temporaire ; elle avait pour seul objectif de préserver la santé publique ; elle était sans lien direct avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat. 
 
Les commerçants n’étaient donc pas en droit de demander une réduction de leur loyer. La mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance. Dès lors, les commerçants ne pouvaient se prévaloir du mécanisme de l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement de leurs loyers. 
 
Il résulte enfin de l'article 1218 du Code civil que le créancier qui n'a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure. Dès lors, la Cour de cassation a estimé que la Cour d’appel avait exactement retenu que le locataire, créancier de l’obligation de délivrance de la chose louée, n’était pas fondé à invoquer à son profit la force majeure. 
 
« Cette interdiction a été décidée, selon les catégories d'établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique. L'effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil. 
 
Ayant relevé que les restrictions résultant des mesures législatives et réglementaires prises dans le cadre de la crise sanitaire n'étaient pas imputables au bailleur et n'emportaient pas perte de la chose, la cour d'appel, saisie en référé d'une demande en paiement d'une provision, n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable. Le moyen n'est donc pas fondé ». 
 
Cass. Civ. III, 30 juin 2022, n° 21-20127, publié au Bulletin 
Cass. Civ. III, 30 juin 2022, n° 21-20190, publié au Bulletin 
Cass. Civ. III, 30 juin 2022, n° 21-19889 


LES HUISSIERS DEVIENNENT COMMISSAIRES DE JUSTICE.

16/07/2022 - Dans le prolongement de la Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « Loi Macron », en application de l'Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, l’huissier de justice devient Commissaire de justice le 1er juillet 2022. Une date marquant la naissance d'une nouvelle profession du droit née du lobbying de rapprochement des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires.

Cette nouvelle profession regrouperait 3 754 membres répartis sur tout le territoire, sous l'égide de leur ordre national, la Chambre nationale des commissaires de justice, pour améliorer et simplifier le service au justiciable. La nouvelle profession de Commissaire de Justice prétend offrir un maillage du territoire sans précédent. Se présentant comme premier relai de l'Etat et de la Justice sur le terrain, elle affirme proposer un réel accompagnement de proximité à tous les justiciables.

Les commissaires de justice sont autorisés à effectuer toutes les missions des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires, à savoir la signification des actes judiciaires et extrajudiciaires , l’exécution des décisions de justice, les constats, la résolution des litiges et le recouvrement amiable et judiciaire, les ventes aux enchères et prisées judiciaires, l’accomplissement des mesures conservatoires dans le cadre d’une succession, mais également la rédaction d’actes sous seing privé et le conseil juridique, la médiation judiciaire et conventionnelle, l’administration d’immeubles, et même l’intermédiation de mandataire d’assurance.

Rappelons toutefois que l'Avocat est le seul partenaire juridique qui vous assiste et vous défend dans tous les domaines de la vie courante et en toute indépendance, qu'il s'agisse de la vie des particuliers ou de celle des entreprises (sociétés commerciales, commerçants individuels, artisans, professionnels libéraux...). Il est soumis à une déontologie qui vous garantit son indépendance et sa probité, tenu au secret professionnel dès votre premier rendez-vous. Il a évidemment, dans son domaine d'élection, une compétence sans équivalent.
 
L'Avocat plaide et demeure votre conseiller privilégié dans tous les domaines juridiques et même en dehors de tout procès. Lorsque aucune solution amiable n'a pu être trouvée, et qu'un procès est engagé ou doit l'être, seul l'Avocat est à même de vous défendre à tous les stades de la procédure, et ce aussi bien en première instance qu'en appel.


ACTION SUBROGATOIRE DE L’ASSUREUR ET POINT DE DEPART DE LA PRESCRIPTION.

28/06/2022 - Celui qui est subrogé dans les droits de la victime d'un dommage ne dispose que des actions bénéficiant à celle-ci, de sorte que son action contre le responsable est soumise à la prescription applicable à l'action directe de la victime.

Le 20 janvier 2011, une société financière (acquéreur) avait acquis un navire de la société T (venderesse). Ce navire avait été donné en location, avec option d'achat, à M. X (locataire), assuré auprès de la société G (assureur). Le 28 janvier suivant, le locataire avait signé un procès-verbal de réception. A la suite de la destruction du navire par un incendie survenu le 29 octobre 2011, l'assureur avait indemnisé le locataire et l'acquéreur, lequel lui en avait donné quittance le 27 février 2012. 
 
Le 19 avril 2013, l'assureur, invoquant un défaut de conformité, avait assigné en résolution de la vente le vendeur, qui avait opposé la prescription de l'action. L'assureur faisait grief à l'arrêt (Fort-de-France, 14 mai 2019) frappé d’un pourvoi de déclarer irrecevable comme prescrite son action, alors « que la prescription ne court pas contre celui qui est empêché d'agir », que « la prescription de l'action fondée sur la subrogation ne peut commencer à courir avant le paiement subrogatoire », et que « seul le paiement subrogatoire intervenu ultérieurement était de nature à faire courir le délai de prescription à l'égard de l'assureur subrogé ». 
 
La Cour a écarté cette argumentation et prononcé l’arrêt suivant, en rappelant sa propre jurisprudence : 
 
« Selon l'article L. 121-12 du code des assurances, dans les assurances de dommages, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. 
 
En vertu des règles générales qui gouvernent la subrogation, prévues par les articles 1250 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicables à la cause, le débiteur, poursuivi par un créancier subrogé dans les droits de son créancier originaire, peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens de défense que ceux dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire (1re Civ., 4 avril 1984, pourvoi n° 82-16.683, Bull. 1984, I, n° 131 ; 1re Civ., 18 octobre 2005, pourvoi n° 04-15.295, Bull. 2005, I, n° 375 ; Com., 11 décembre 2007, pourvoi n° 06-13.592, Bull. 2007, IV, n° 261).  
 
Il en résulte que celui qui est subrogé dans les droits de la victime d'un dommage ne dispose que des actions bénéficiant à celle-ci, de sorte que son action contre le responsable est soumise à la prescription applicable à l'action directe de la victime (1re Civ., 4 février 2003, pourvoi n° 99-15.717, Bull. 2003, I, n° 30 ; 2e Civ., 15 mars 2007, pourvoi n° 06-11.509). 
 
En application de ces principes, le point de départ de la prescription de l'action du subrogé est identique à celui de l'action du subrogeant (1re Civ., 4 février 2003, pourvoi n° 99-15.717, Bull. 2003, I, n° 30 ; 2e Civ., 17 janvier 2013, pourvoi n° 11-25.723, Bull. 2013, II, n° 8 ; 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-22.179 ; Com., 5 mai 2021, pourvoi n° 19-14.486, Bull., (cassation)). 
 
Après avoir énoncé à bon droit que l'action de la personne subrogée dans les droits de la victime d'un dommage contre le responsable est soumise à la prescription applicable à l'action de la victime et retenu qu'était applicable à l'action subrogatoire de l'assureur l'article L. 211-12 du code de la consommation, selon lequel l'action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien, la cour d'appel en a exactement déduit que le point de départ du délai de prescription devait être fixé à cette date
». 
 
Cass. Civ. I, 2 février 2022, n° 20-10855, publié au Bulletin
 

LE CONSTRUCTEUR DOIT SE PREOCCUPER DU RACCORDEMENT DE LA CONSTRUCTION

20/06/2022 - Le constructeur de maison individuelle avec plan doit s’assurer de la nature et de l’importance des travaux de raccordement de la construction aux réseaux publics. Il doit vérifier sur place l’existence de canalisations sur le terrain ou, à tout le moins, à proximité. 
 
Dans l’instance dont la Cour de cassation a été saisie, des maîtres d’ouvrage avaient conclu un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) avec plan le 30 novembre 2012 sous condition suspensive d’obtention de la garantie de livraison dans les 12 mois. 
 
Le Constructeur n’avait pas obtenu la garantie de livraison en raison d’une insuffisance de marge et de rentabilité de l’opération. Les maîtres d’ouvrage avaient assigné ce dernier en dommages-intérêts pour manquement à son devoir de conseil, lui reprochant de n’avoir point pris en compte la situation enclavée de la parcelle, nécessitant une servitude de passage de canalisations, pour déterminer le coût réel du raccordement au réseau public. 
 
La Cour d’appel ultérieurement saisi a écarté cet argument, dès lors que le coût du raccordement au réseau public avait été pris en compte lors de la signature du contrat et réservé par le maître de l’ouvrage au titre des travaux dont il conservait la charge.  
 
Portant l'affaire devant la Cour de cassation, les maîtres de l'ouvrage ont invoqué à nouveau le devoir de conseil du constructeur, tenu de vérifier sur place l'existence de canalisations sur le terrain ou, à tout le moins, à proximité. Les Hauts Magistrats ont cassé l'arrêt d'appel au terme de la motivation suivante : 
 
« Il résulte des deuxième et troisième que le contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan doit comporter les énonciations relatives à la consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire comportant les raccordements aux réseaux divers. Est annexée à ce contrat une notice descriptive qui mentionne les raccordements de l'immeuble à l'égout et aux distributions assurées par les services publics, notamment aux distributions d'eau, de gaz, d'électricité ou de chauffage, en distinguant ceux qui sont inclus dans le prix et, s'il y a lieu, ceux dont le coût reste à la charge du maître de l'ouvrage. 
 
Pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour manquement du constructeur à son devoir de conseil, l'arrêt retient que le coût du raccordement au réseau public a été pris en compte lors de la signature du contrat, le 30 novembre 2012, puisque celui-ci, fixé à la somme de 6 000 euros, était stipulé réservé par le maître de l'ouvrage au titre des travaux dont il conservait la charge, comme cela résultait de la notice descriptive signée le même jour que le contrat, d'autre part, il ne peut être reproché au constructeur de ne pas avoir pris en compte la bonne configuration de la parcelle, dès lors qu'il n'était pas informé de la servitude qui devait servir au passage des canalisations à destination du réseau public, laquelle n'avait été créée que le jour de la signature de l'acte authentique de vente de la parcelle sur laquelle la construction devait être édifiée, soit le 29 août 2013, par conséquent près de neuf mois plus tard ; 
 
En statuant ainsi, alors qu'il incombe au constructeur de maison individuelle avec fourniture du plan de s'assurer de la nature et de l'importance des travaux nécessaires au raccordement de la construction aux réseaux publics, la cour d'appel a violé les textes susvisés
». 
 
Cass. Civ. III, 11 février 2021, n° 19-22943, Publié au bulletin 
 
Il est à noter que le CCMI avec fourniture de plan doit comporter les énonciations relatives à la consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire comportant les raccordements aux réseaux divers (article L 231-2 du Code de la construction et de l’habitation).  
 
La notice descriptive annexée au CCMI mentionne les raccordements de l’immeuble à l’égout et aux distributions assurées par les services publics, notamment aux distributions d’eau, de gaz, d’électricité ou de chauffage, en distinguant ceux qui sont inclus dans le prix et s’il y a lieu, ceux dont le coût reste à la charge du maître de l’ouvrage (article R 231-4 du Code de la construction et de l’habitation). En l’espèce, le constructeur aurait dû anticiper, au regard de la configuration matérielle du terrain, la création de servitudes de canalisation, générant un surcoût. 


SANCTION DU DEFAUT DE REPONSE DE L'ASSUREUR DOMMAGES OUVRAGE, MEME POUR DES DESORDRES IDENTIQUES.

01/01/2022 - L'assureur dommages-ouvrage est tenu de répondre dans le délai de soixante jours prévu à l'article L. 242-1 du Code des assurances, à toute déclaration de sinistre, y compris lorsqu'il estime que les désordres sont identiques à ceux dénoncés par une précédente déclaration de sinistre. A défaut, il ne peut plus opposer la prescription biennale, visée par l'article L. 114-1 du même code, qui serait acquise à la date de la seconde déclaration.

Le 21 mars 2008, les époux J. avaient conclu un contrat de construction de maison individuelle avec la Société C., depuis lors en liquidation judiciaire. Cette dernière avait souscrit auprès de la Société Axa France IARD une assurance dommages-ouvrage pour le compte des maîtres de l'ouvrage et obtenu de la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment une garantie de livraison à prix et délais convenus. 
 
Se plaignant de malfaçons, les époux J. avaient, après expertise, assigné la Société C. en résiliation du contrat à ses torts et en indemnisation de leurs préjudices et appelé en intervention forcée la Société Axa et la Caisse de garantie. 
 
En cassation, les époux J. faisaient grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 19 février 2020, rendu sur renvoi après cassation : Civ. III, 24 mai 2018, n° 17-11427) de déclarer irrecevables leurs demandes dirigées contre la Société Axa au titre de la déclaration de sinistre du 29 décembre 2012, alors « que l'assureur dommages-ouvrage est tenu de répondre dans le délai de 60 jours à toute déclaration de sinistre ; qu'à défaut, il ne peut plus invoquer la prescription biennale éventuellement encourue à la date d'expiration de ce délai ; que la cour d'appel a constaté que la Société Axa, en qualité d'assureur dommages-ouvrage, n'avait pas dénié sa garantie dans le délai de 60 jours à compter de la déclaration de sinistre du 29 décembre 2012 ; qu‘en énonçant, pour dire que la Société Axa pouvait néanmoins invoquer la prescription, que les désordres déclarés le 29 décembre 2012 l'avaient déjà été le 17 avril 2009, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du Code des assurances, qui impose de tenir compte de toute déclaration de sinistre ».
 
Aux termes de de l'article L. 242-1, alinéas 3 et 5, du Code des assurances, la Cour de cassation a relevé que « l'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat. Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal ». 
 
Il en résulte, d’après cet arrêt, que l'assureur dommages-ouvrage est tenu de répondre dans le délai de soixante jours à toute déclaration de sinistre, y compris lorsqu'il estime que les désordres sont identiques à ceux précédemment dénoncés et que, à défaut, il ne peut plus opposer la prescription biennale qui serait acquise à la date de la seconde déclaration. 
 
La Cour de cassation a, en conséquence, ainsi statué : « Pour déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme J., l'arrêt retient que les désordres qui font l'objet de la seconde déclaration de sinistre du 29 décembre 2012 sont exactement identiques à ceux qui ont été dénoncés par la première déclaration de sinistre du 17 avril 2009 et pour lesquels les maîtres de l'ouvrage sont prescrits, pour n'avoir pas introduit leur action dans le nouveau délai de prescription biennale ayant couru à la suite de cette première déclaration et de la désignation d'un expert par l'assureur. 
 
En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a constaté que l'assureur n'avait pas répondu dans le délai de soixante jours à la seconde déclaration de sinistre, a violé le texte susvisé
». 
 
Cass. Civ. III, 30 septembre 2021, n° 20-18883, publié au bulletin


EN L’ABSENCE DE RECEPTION, PRESCRIPTION REDUITE A CINQ ANS.

04/10/2021 - En l'absence de réception, l'action en responsabilité du maître de l'ouvrage à l'encontre du constructeur et de son sous-traitant se prescrit par cinq ans à compter de la manifestation du dommage.

Un maître d’ouvrage avait commandé à une Société R. assurée auprès de la Société Axa France IARD, la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques à intégrer à la toiture d'un bâtiment agricole. Les panneaux avaient été posés par un sous-traitant, assuré auprès de la société Allianz IARD. Des infiltrations étaient apparues en mars 2010. 
 
Par actes des 2 mai 2016 et jours suivants, le maître d’ouvrage avait fait assigner aux fins d'expertise les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs. 
 
En cause d’appel, la Cour de Caen (par un arrêt du 24 octobre 2019), avait relevé l’absence de réception, tant explicite (par la signature d’un procès-verbal) que tacite. Plus précisément, les infiltrations, apparues en mars 2010, avaient donné lieu à trois rapports d'expertise amiable ; le maître d’ouvrage n'avait pas soldé les travaux, restant devoir une somme à ce titre au 29 juillet 2015, et il avait persisté en son refus de signer l'attestation de bonne fin des travaux qui lui était réclamée. 
 
Le sous-traitant condamné soutenait « qu'en l'absence de réception, la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur, de même que la responsabilité délictuelle du sous-traitant, sont soumises à la prescription quinquennale de droit commun », faisant valoir que l'article 1792-4-3 du Code civil n'est applicable que lorsque l'ouvrage a été réceptionné, et soutenait que la prescription de cinq ans à compter de la manifestation des infiltrations, en mars 2010, était acquise à la date de l'assignation en référé, délivrée en mai 2016, la solution étant la même s'il était qualifié de sous-traitant du vendeur. 
 
Visant les articles 1792-4-3 et 2224 du Code civil, la Cour de cassation a jugé, que « selon le premier de ces textes, qui ne saurait recevoir application lorsqu'aucune réception de l'ouvrage n'est intervenue, les actions en responsabilité contre les constructeurs et leurs sous-traitants, à l'exception de celles qui sont régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2 du même Code, se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux », mais que « selon le second, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». 
 
Par son arrêt du 16 septembre 2021 (Cass. Civ. III, n° 20-12.372), la Cour de cassation en a ainsi déduit que : 
 
« Pour déclarer recevable l'action en responsabilité du maître de l'ouvrage à l'encontre du sous-traitant, l'arrêt retient que l'absence de réception de l'ouvrage n'en laisse pas moins subsister la responsabilité délictuelle du sous-traitant, laquelle se prescrit par dix ans à compter de l'exécution des travaux. 
 
En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de réception, l'action en responsabilité du maître de l'ouvrage à l'encontre du sous-traitant se prescrit par cinq ans à compter de la manifestation du dommage, la cour d'appel a violé les textes susvisés. […] 
 
Pour déclarer recevable l'action en responsabilité du maître de l'ouvrage à l'encontre de l'entreprise principale et écarter la fin de non-recevoir tirée de l'acquisition de la prescription quinquennale, l'arrêt retient que l'absence de réception de l'ouvrage n'en laisse pas moins subsister la responsabilité contractuelle du constructeur, laquelle se prescrit par dix ans à compter de l'exécution des travaux. 
 
En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de réception, l'action en responsabilité du maître de l'ouvrage à l'encontre de l'entreprise principale se prescrit par cinq ans à compter de la manifestation du dommage, la cour d'appel a violé les textes susvisés
». 
 
Cass. Civ. III, 16 septembre 2021, n° 20-12.372. 


DES REPARATIONS INSUFFISANTES PEUVENT ENGAGER LA RESPONSABLITE DECENNALE SUR L’ENSEMBLE DES DESORDRES.

20/09/2021 - Ayant relevé que des travaux de réparation n’avaient pas permis de remédier aux désordres initiaux, mais les avaient aggravés et à l’origine de nouveaux désordres, c’est à bon droit que la responsabilité de cette société est engagée pour l’ensemble des désordres de nature décennale.

Les propriétaires d’une maison, achevée en 1998 par un constructeur depuis lors en liquidation, déploraient des fissurations et un affaissement du sol. Ils confièrent des travaux de reprise à la Société Temsol, assurée auprès de la Société SMA.  
 
En 2008, compte tenu de la persistance des désordres, la Société Uretek France, alors assurée auprès de la Société Aviva Assurances, réalisa des injections de résine expansive, qui ne remédièrent pas davantage aux dommages. 
 
Après expertise, ces propriétaires assignèrent la Société Uretek et son assureur en indemnisation sur le fondement de la garantie décennale. 
 
La Cour d’appel de Limoges, par son arrêt du 26 septembre 2019, jugea que la société Aviva devait sa garantie à son assurée, la Société Uretek, au titre des dommages matériels, dans les termes de la police d'assurance souscrite pour la couverture des dommages de nature décennale, avec application de la franchise contractuelle. 
 
Sur pourvoi de la Société Aviva, la Cour de cassation jugea ainsi : 
 
« La cour d'appel a constaté, d'une part, que la société Uretek était intervenue en 2008 pour effectuer deux séries de travaux de reprise destinés à remédier au manque de stabilité de l'ouvrage et ayant consisté en la stabilisation et le relevage du dallage et en des injections sous fondations, d'autre part, que ces travaux avaient été réceptionnés les 25 octobre et 9 décembre 2008. 
 
Elle a relevé que, selon l'expert, ces travaux avaient été inopérants dès lors que la stabilité du dallage n'était pas acquise et que les injections réalisées n'avaient apporté aucun remède, les fissures demeurant évolutives et la stabilité des murs périphériques n'étant pas obtenue, et que la cause de cette défaillance tenait à la faible profondeur des injections réalisées par la société Ureteck et à un maillage insuffisant, aucune conception générale de réparation n'ayant été élaborée. 
 
Elle a également relevé que la reprise infructueuse réalisée par la société Uretek tendait à remédier à des désordres compromettant la solidité de l'ouvrage puisqu'ils en affectaient la stabilité et étaient à l'origine de fissurations évolutives et que l'expert précisait à ce sujet que certaines fissures présentaient des aggravations et que de nouvelles fissurations étaient apparues. 
 
Ayant retenu, par une décision motivée, que les désordres initiaux n'étaient pas de nature à constituer une cause étrangère de nature à exonérer la société Ureteck dont la garantie décennale se trouvait engagée en raison de ses travaux de réparation qui, non seulement n'avaient pas permis de remédier aux désordres initiaux, mais avaient aggravé ceux-ci et étaient à l'origine de l'apparition de nouveaux désordres, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la responsabilité de la société Ureteck était engagée pour l'ensemble des désordres de nature décennale. Le moyen n'est donc pas fondé
». 
 
Cass. Civ. III, 4 mars 2021, n° 19-25702, publié au Bulletin