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DESORDRES EVOLUTIFS : L'EVOLUTION DE LA JURISPRUDENCE  :

26/09/2023 - La Cour de cassation a récemment confirmé que les désordres évolutifs sont couverts par la garantie décennale, s’ils sont contenus en germe dans les malfaçons initiales et proviennent des mêmes causes. 

Par un arrêt récent (25 mai 2023, n° 22-13410), la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a retenu le caractère évolutif de désordres en relevant leur lien avec des malfaçons initiales constatées en temps utile. 
 
Des maîtres d’ouvrage avaient fait construire un immeuble d’habitation et souscrit un contrat d'assurance dommages-ouvrage. La réception des travaux avait été prononcée le 8 septembre 2003. 
 
Ayant constaté plusieurs désordres, ils avaient régularisé une déclaration de sinistre auprès de leur assureur le 24 juin 2013, quelques mois avant l'expiration du délai décennal. Il s’agissait de fissures et de décollements de carrelage, des problèmes de fermeture de menuiseries extérieures, un défaut d'étanchéité des menuiseries et des traces de moisissures. 
 
Après l'expiration du délai décennal, d'autres désordres étaient survenus, s’agissant notamment de problèmes d'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée et des infiltrations d'eau sur la fenêtre coulissante d’un palier au premier étage. 
 
Il s'agit de déterminer si ces désordres survenus après l’expiration du délai décennal pouvaient être considérés comme des désordres évolutifs, résultant directement des désordres initiaux apparus dans le délai décennal. 
 
La Cour d'appel de Montpellier, saisi d’un recours, avait estimé que ces désordres étaient liés à des malfaçons initiales, présentes depuis la construction de l'ouvrage, appliquant ainsi la jurisprudence des désordres évolutifs (Cass. Civ. III, 18 janvier 2006, n° 04-17400), selon laquelle des désordres sont couverts par la garantie décennale « s'ils trouvent leur siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature a été constaté et dont la réparation a été demandée en justice avant l'expiration de ce délai ». 
 
Aux termes de son arrêt du 25 mai 2023, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des assureurs en adoptant la motivation suivante : 
 
« 9. La cour d'appel, qui a constaté que le désordre affectant le carrelage fissuré et cassé du premier étage avait été pris en charge par l'assureur dommages-ouvrage, a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'expertise diligentée par celui-ci avait conclu que deux carreaux sur trois du carrelage du rez-de-chaussée sonnaient creux et que l'expert judiciaire avait imputé ces désordres à un même défaut d'exécution lié au délitement de la chape résultant d'un insuffisant dosage de la colle et au passage de fourreaux dans la chape de support sans chape de ravoirage. 
 
10. Ayant souverainement retenu que les pathologies affectant le carrelage du rez-de-chaussée étaient identiques à celles du premier étage, ce dont il résultait que les désordres constatés par l'expert affectant le carrelage du rez-de-chaussée trouvaient leur siège dans un même ouvrage où un désordre identique avait été constaté avant l'expiration du délai de garantie décennale, elle en a exactement déduit que la garantie de l'assureur dommages-ouvrage au titre des désordres du carrelage du rez-de-chaussée était due. 
 
11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision
». 
 
Rappelons toutefois que les désordres apparus après l’expiration du délai d’épreuve ne peuvent pas être considérés comme des désordres évolutifs au sens de la jurisprudence, s’ils sont indépendants des désordres initiaux (Cass. Civ. III, 4 octobre 2018, n° 17-23190). 
 
Cass. Civ. III, 25 mai 2023, n° 22-13410, Publié au Bulletin


RESPONSABILITE DU MAÎTRE D'OUVRAGE EN CAS DE SOUS-TRAITANCE IRREGULIERE  :


29/07/2023 - Le maître de l’ouvrage qui paye l’entrepreneur principal, alors qu’il a connaissance de la présence d'un sous-traitant sur le chantier, engage sa responsabilité envers ce dernier pour avoir tardivement mis en demeure l’entreprise de le déclarer. 

Un sous-traitant, non déclaré par l’entreprise principale au sens de la Loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, et non réglé en raison du redressement suivi d’une liquidation judiciaire de cette dernière, avait assigné le maître d’ouvrage en paiement de sa créance sur le fondement de l'action directe et, subsidiairement, en indemnisation de son préjudice sur le fondement de l'article 14-1 de ladite Loi du 31 décembre 1975
 
En cause d’appel, pour rejeter la demande indemnitaire du sous-traitant à l'encontre du maître de l'ouvrage, l'arrêt (Versailles, 21 octobre 2021) retint que la mise en demeure adressée par ce dernier plus de douze mois après avoir eu connaissance de l'intervention du sous-traitant, alors qu'il avait déjà réglé 95 % du montant du marché à l’entrepreneur principal, était manifestement tardive et inefficace, de sorte qu'il n'avait pas respecté l'obligation visée au premier tiret de l'article 14-1 susvisé. 
 
La Cour d’appel ajouta que le préjudice subi par le sous-traitant en lien de causalité avec la faute du maître de l'ouvrage était constitué par la perte de l'action directe qu'il aurait pu mettre en œuvre plus rapidement si cette mise en demeure avait été faite en temps utile, et que la perte de cette action ne portait pas sur une assiette plus large que celle dont le maître de l'ouvrage était redevable au moment de l'exercice de ladite action. 
 
La Cour de Versailles en déduisit que, le sous-traitant ayant déjà été indemnisé au titre de son action directe, il ne justifiait d'aucun préjudice complémentaire pouvant être indemnisé. 
 
La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi, retint que le maître de l’ouvrage avait déjà connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier avant de payer l’entrepreneur principal. Il mit en demeure l’entreprise principale plus de dix mois après, alors qu’il lui avait déjà réglé 95 % du prix du marché. Elle en déduisit que cette mise en demeure était manifestement tardive et inefficace, de sorte que le maître de l’ouvrage n’avait pas respecté son obligation, et renvoya la cause et les parties devant la Cour d’appel de Paris, concernant l’indemnisation du sous-traitant. 
 
Cass. Civ. III, 16 mars 2023, n° 21-25726 
 
A retenir : 
 
Le maître de l’ouvrage, quoi a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant qui ne lui a pas été présenté, doit mettre en demeure l’entrepreneur principal de le faire. À défaut, il engage sa responsabilité extracontractuelle envers le sous-traitant (Cass. Civ. III, 29 janvier 1997, n° 95-11802).  
 
La responsabilité est encourue lorsque le maître de l’ouvrage paye l’entrepreneur principal alors qu’il a connaissance de la présence du sous-traitant (Cass. Civ. III, 20 octobre 2004, n° 03-11507), même s’il l’a payé intégralement (Cass. Civ. III, 14 novembre 2001, n° 00-12722).  
 
Le préjudice indemnisable s’entend généralement du solde dû au sous-traitant (Cass. Civ. III, 14 avril 1999, n° 97-17055). En principe, si le sous-traitant peut exercer l’action directe, il n’y a pas lieu de mettre en œuvre la responsabilité du maître de l’ouvrage. En l’espèce, les conditions de l’action directe ont été remplies, mais tardivement. 
 
Au titre de l’action directe, la Cour d’appel a alloué une somme au sous-traitant correspondant à ce que le maître de l’ouvrage devait encore à l’entrepreneur principal, mais bien inférieure à la créance du sous-traitant. 
 
Au titre de la tardiveté, le maître de l’ouvrage devait réparer le préjudice du sous-traitant, conformément à la jurisprudence selon laquelle sa responsabilité est encourue même s’il a payé intégralement l’entrepreneur principal. Un autre arrêt du même jour condamne également en ce sens ce même maître de l’ouvrage envers un autre sous-traitant (Cass. Civ. III, 16 mars 2023 n° 21-25724). 


SOUS-TRAITANCE ET EXCEPTION D'INEXECUTION  :

27/06/2023 - Le sous-traitant ne peut pas recourir au mécanisme de l'exception d'inexécution pour contraindre l'entrepreneur principal à délivrer une garantie de paiement. 

La Loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance protège le sous-traitant en imposant à l'entrepreneur principal, d'une part, de faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage et en l'obligeant, d'autre part, à fournir au sous-traitant une garantie de paiement sous la forme d'une caution personnelle et solidaire, à défaut d'une délégation de paiement. 
 
En cas de non-respect de ces dispositions d'ordre public, le sous-traitant peut se prévaloir de la nullité du contrat, le résilier unilatéralement ou, encore, demander au juge d'ordonner la délivrance de la garantie. 
 
Peut-il cependant, au lieu d'user de ces possibilités, choisir de suspendre l'exécution de ses travaux jusqu'à ce qu'il obtienne la garantie qui lui est due, c'est-à-dire de se preévaloir de l'exception d'inexécution ? 
 
La Cour de cassation répond négativement. Si le sous-traitant n'use pas de sa faculté de résiliation unilatérale et n'invoque pas la nullité du contrat, celui-ci doit recevoir application. 
 
A lma différence du contrat d'entreprise principal, pour lequel l'article 1799-1 du Code civil prévoit la possibilité de suspendre l'exécution des travaux en l'absence de fourniture d'une garantie par le maître d'ouvrage, la Loi du 31 décembre 1975 ne prévoit pas cette possibilité pour le sous-traitant. 
 
Dès lors, l'exception d'inexécution ne peut être utilisée pour contraindre l'entrepreneur principal à délivrer la garantie car cela pourrait caractériser un abandon de chantier autorisant une résiliation du contrat de sous-traitance aux torts du sous-traitant. 
 
Cass. Civ. III, 10 novembre 2021, n° 20-19372. Publié au Bulletin.


RECEPTION AU SENS DE LA LOI SUR LA RETENUE DE GARANTIE  :

28/02/2023 - La Cour de cassation vient de rappeler que la Loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 relative à la retenue de garantie en marchés privés ne distingue pas entre réception amiable, tacite ou judiciaire des travaux réalisés. 

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt dans les termes suivants :

« La retenue de garantie et la caution solidaire qui peut s'y substituer, prévues à l'article 1 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971, ont pour objet de protéger le maître de l'ouvrage contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux de levée des réserves à la réception (3e Civ., 22 septembre 2004, pourvoi n° 03-12.639, Bull. 2004, III, n° 154 ; 3e Civ., 4 février 2016, pourvoi n° 14-29.836, Bull. 2016, III, n° 21). 
 
Selon l'article 2 de cette loi, à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception des travaux, faite avec ou sans réserve, la caution est libérée, même en l'absence de mainlevée, si le maître de l'ouvrage ne lui a pas notifié, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur. 
 
Il résulte de ce texte, qui ne distingue pas entre réception amiable, tacite ou judiciaire des travaux réalisés, que le délai à l'expiration duquel la caution est libérée ne peut commencer à courir avant la date de la réception. 
 
La cour d'appel a constaté qu'un arrêt du 26 avril 2018 avait prononcé la réception judiciaire des travaux exécutés par la société CPES aux 10 et 14 juin 2013, avec des réserves, et que le maître de l'ouvrage avait mis en demeure la banque d'exécuter son engagement le 29 novembre 2013 et avait notifié à celle-ci une opposition à mainlevée le 6 juin 2014. 
 
Elle en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, que, les conditions d'application de l'engagement de caution au bénéfice du maître de l'ouvrage étant réunies à la date à laquelle elle a statué, la demande en paiement de la SCCV était recevable et, après avoir constaté que le coût de la levée des réserves était supérieur au montant du cautionnement, qu'elle devait être accueillie
».


Cass. Civ. III, 11 janvier 2023, n° 21-11053, publié au Bulletin.