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NON-CONFORMITE SANS DESORDRE
23/12/2024 - La non-conformité d’un ouvrage à des normes, en l’absence de désordres constatés, n’est opposable que si le marché était contractuellement soumis à ces normes. La Cour de cassation l’a rappelé par un arrêt du 21 novembre 2024.
Un maître d’ouvrage ayant fait édifier une maison individuelle s’était plaint d’une non-conformité de l’étanchéité des salles de bains et avait fait assigner le Constructeur aux fins d’indemnisation, en l’absence de tout désordre.
En cause d’appel, la Cour de Rennes avait condamné le Constructeur qui avait formé un pourvoi. La Cour de cassation a cassé cet arrêt aux termes de la motivation suivante :
« 7. Il résulte de la combinaison de ces textes [articles 1134 et 1147 anciens du Code civil], qu'en l'absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur (3e Civ., 10 juin 2021, pourvois n° 20-15.277, 20-15.349, 20-17.033, publié au Bulletin).
8. Pour condamner la société Arteco à indemniser M. [E] du coût de la mise en conformité de l'étanchéité des deux salles de bains aux règles de l'art, l'arrêt relève que le contrat stipule que « la construction projetée est conforme aux règles de construction prescrites par le code de la construction et de l'habitation, notamment dans son livre 1er et à celles prescrites par le code de l'urbanisme et plus généralement aux règles de l'art », puis retient que l'étanchéité n'a pas été mise en œuvre conformément au document technique unifié (DTU) 52.2, au cahier du centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et à la fiche technique du produit appliqué et en déduit que les règles de l'art n'ont pas été respectées.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, en l'absence de désordre affectant la salle de bains du premier étage si le DTU 52.2, le cahier CSTB et la fiche technique du produit appliqué avaient été contractualisés par les parties, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
Bien évidemment, si les dommages survenaient, ils relèveraient de la garantie décennale en cas d’atteinte à la solidité ou d’impropriété à la destination de l’ouvrage au sens des dispositions de l’article 1792 du Code civil, et à défaut, de la garantie des « vices intermédiaires » à condition de rapporter la preuve d’une faute (Cass Civ. III, 10 juillet 1978, n° 77-12595 - 13 février 2013, n° 11-28376, publié au Bulletin - 9 février 2000, n° 98-13931, publié au Bulletin - 24 janvier 2001, n° 99-12991 - 3 janvier 2006, n° 04-18.507).
NOUVEL ARRET DE CASSATION SUR LA RECEPTION JUDICIAIRE
18/11/2024 - Singulièrement, la réception judiciaire doit être prononcée à la date à laquelle l’ouvrage est en l’état d’être reçu ; et ce, même en cas d’erreur d’implantation (dénoncée postérieurement à l'achèvement de l'ouvrage).
La réception judiciaire est soumise à des conditions différentes : la Cour de cassation estime désormais qu’il suffit que l’immeuble soit habitable (Cass. civ. III, 17 octobre 2024, n° 23-15006 - L'arrêt n'est pas encore publié sur Légifrance).
Dans cette espèce, un maître d’ouvrage avait confié à un constructeur la réalisation d’un enrochement bétonné sur son terrain, en contre-bas d’une parcelle appartenant à ses voisins, lesquelles se sont plaints d’un empiétement sur leur propriété et d’un risque d’éboulement de leurs terres liées à l’existence d’un vide sous cet enrochement.
En cause d’appel, par son arrêt du 24 novembre 2022, la Cour d’appel de Montpellier avait rejeté la demande de réception judiciaire de l’ouvrage (CA Montpellier, 24 novembre 2022, n° 18/01296). Le maître d’ouvrage avait formé un pourvoi au motif qu’en l’absence de réception amiable, la réception judiciaire pouvait être ordonnée, avec ou sans réserve, si les travaux étaient en l’état d’être reçus ; l’existence d’une erreur d’implantation affectant l’ouvrage n’y faisant pas obstacle.
La Cour de cassation a considéré que « Pour refuser de prononcer la réception judiciaire de l'ouvrage à la date du 25 juillet 2007, l'arrêt retient que les contestations formées après l'achèvement de l'ouvrage par M. [le maître d’ouvrage] relatives à l'erreur d'implantation et à l'écroulement partiel de la partie supérieure du talus ne permettent pas de considérer que cet ouvrage était en état d'être reçu à cette date. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés des contestations élevées par le maître de l'ouvrage postérieurement à son achèvement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
NOUVEAU REVIREMENT DE JURISPRUDENCE A PROPOS DES INSERTS
30/05/2024 - La Cour de cassation considère désormais qu’un élément d’équipement dissociable installé sur un ouvrage existant ne constitue pas en lui-même un ouvrage et ne relève plus de la garantie décennale mais de la responsabilité contractuelle.
Dans une affaire ayant donné lieu à un arrêt de la troisième Chambre de la Cour de cassation en date du 21 mars 2024, des propriétaires d’une maison avaient fait installer un insert dans leur cheminée par une entreprise. Un incendie était survenu, occasionnant la destruction de la maison. Les propriétaires et leur assureur avaient assigné l’entreprise et son assureur aux fins d’indemnisation. Faisant application de la jurisprudence établie par la Cour de cassation depuis 2017, la Cour d’appel de Montpellier, par un arrêt du 20 avril 2022, avait estimé que les travaux de pose de l’insert avaient rendu l’immeuble dans son ensemble impropre à sa destination, que le dommage relevait de la responsabilité décennale, et avait condamné l’entreprise et son assureur à indemniser les propriétaires de leur entier préjudice. Rappelons qu’initialement, la Cour de cassation estimait que seuls les éléments d'équipement dissociables « destinés à fonctionner » étaient éligibles à la garantie de bon fonctionnement, laissant à part les éléments d'équipement dissociables inertes qui ne pouvaient bénéficier que de la garantie seule décennale, à condition que les vices soient de nature à compromettre la destination de l'ouvrage tout entier, sauf à constituer des dommages intermédiaires pour faute prouvée (voir notamment Cass. Civ. III, 11 septembre 2013, n° 12-19483). S’agissant de l’élément d'équipement installé sur un ouvrage existant (tel un insert), la Cour de cassation considérait que les vices l'affectant ne relevaient pas des garanties légales (Cass. Civ. III, 10 décembre 2003, n° 02-12215 ; 18 janvier 2006, n° 04-17888 ; 19 décembre 2006, n° 05-20543 ; 12 novembre 2014, n° 12-35138). Puis, opérant un premier revirement de jurisprudence, par un arrêt du 15 juin 2017, la Cour de cassation avait estimé que l'élément d'équipement adjoint à l’ouvrage existant était éligible à la garantie décennale, à condition de causer un désordre de nature à compromettre la destination de l’ouvrage existant. Ce premier revirement s’appliquait aux pompes à chaleur (Cass. Civ. III, 15 juin 2017, n° 16-19640). Cet arrêt avait été suivi d’un second, visant spécifiquement les inserts, en date du 14 septembre 2017 (Cass. Civ. III, 14 septembre 2017, n°16-17323), énonçant « que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ». Ce revirement avait été confirmé par un nouvel arrêt en date du 26 octobre 2017, aux termes duquel la Cour de cassation a ainsi statué : « Mais attendu, d'une part, que les dispositions de l'article L. 243-1-1 II du Code des assurances ne sont pas applicables à un élément d'équipement installé sur existant, d'autre part, que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la garantie décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ; que la cour d'appel a relevé que la cheminée à foyer fermé avait été installée dans la maison de M. et Mme X... et que l'incendie était la conséquence directe d'une absence de conformité de l'installation aux règles du cahier des clauses techniques portant sur les cheminées équipées d'un foyer fermé ; qu'il en résulte que, s'agissant d'un élément d'équipement installé sur existant, les dispositions de l'article L. 243-1-1 II précité n'étaient pas applicables et que les désordres affectant cet élément relevaient de la garantie décennale ; que, par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié » (Cass. Civ. III, 26 octobre 2017, n° 16-18120). La Cour de cassation considère désormais que les éléments d’équipement qui ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ne relèvent pas de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire constructeur. Son arrêt en donne l’explication : « 14. D'une part, la Cour de cassation a été conduite à préciser la portée de ces règles. Ainsi, il a été jugé que les désordres affectant un élément d'équipement adjoint à l'existant et rendant l'ouvrage impropre à sa destination ne relevaient de la responsabilité décennale des constructeurs que lorsqu'ils trouvaient leur siège dans un élément d'équipement au sens de l'article 1792-3 du code civil, c'est-à-dire un élément destiné à fonctionner (3e Civ., 13 juillet 2022, pourvoi n° 19-20.231, publié).
15. La distinction ainsi établie a abouti à multiplier les qualifications attachées aux éléments d'équipement et les régimes de responsabilité qui leur sont applicables, au risque d'exclure des garanties légales du constructeur les dommages causés par les éléments d'équipement d'origine.
16. D'autre part, il ressort des consultations entreprises auprès de plusieurs acteurs du secteur (France assureurs, Fédération nationale des travaux publics, Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, Fédération française du bâtiment, Institut national de la consommation) que les installateurs d'éléments d'équipement susceptibles de relever de la garantie décennale ne souscrivent pas plus qu'auparavant à l'assurance obligatoire des constructeurs.
17. La jurisprudence initiée en 2017 ne s'est donc pas traduite par une protection accrue des maîtres de l'ouvrage ou une meilleure indemnisation que celle dont ils pouvaient déjà bénéficier au titre d'autres garanties d'assurance.
18. C'est pourquoi il apparaît nécessaire de renoncer à cette jurisprudence et de juger que, si les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l'assurance obligatoire des constructeurs ». Cette évolution, parfaite cause d’insécurité, est applicable pour l’avenir et à l’ensemble des litiges en cours, ainsi que l’arrêt le précise. Cass. Civ. III, 21 mars 2024, n°22-18694, publié au Bulletin