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INTERRUPTION DE PRESCRIPTION BIENNALE ET COURTIER

27/03/2024 - Il ne faut pas confondre l'Agent général, qui est le mandataire de l'assureur, et le Courtier, qui est le mandataire de l'assuré. Une déclaration de sinistre adressée au Courtier n’interrompt pas le délai de prescription à l’égard de l’assureur (Cass. Civ. II, 20 mars 2023, n° 21-17641).

Une Société C. avait été assurée du 1er décembre 1993 au 30 novembre 1998 au titre de sa responsabilité civile auprès de l’UAP, aux droits de laquelle est venue la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, puis la Société XL INSURANCE COMPANY. 
 
Entre septembre 2008 et avril 2013, la Société C. avait transmis à son Courtier plusieurs déclarations de sinistre concernant des actions judiciaires engagées par des salariés et anciens salariés exposés à l'amiante. Par lettre recommandée avec avis de réception du 25 septembre 2014, elle avait renouvelé ces déclarations de sinistre auprès de l'assureur. 
 
La Société XL INSURANCE COMPANY lui ayant opposé un refus de garantie, la Société C. l'avait fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance le 15 juillet 2015.  
 
Saisie d’un recours, la Cour d’appel de Paris (23 février 2021) avait écarté partiellement la prescription en relevant qu'à réception des déclarations de sinistres, le Courtier avait indiqué à l'assuré que l'assureur déclinait sa garantie, de sorte que ce dernier avait bien eu connaissance des déclarations de sinistre. La Société XL INSURANCE COMPANY avait formé un pourvoi.  
 
Au visa de l’article L.114-2 du code des assurances, la Cour de cassation a d’abord rappelé que selon ce texte, l'interruption de la prescription de l'action peut résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par l'assuré à l'assureur ou au mandataire de ce dernier en ce qui concerne le règlement de l'indemnité. 
 
La Cour de cassation a censuré l'arrêt attaqué, en jugeant que si l'interruption de la prescription de l'action peut résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par l'assuré à l'assureur, ou au mandataire de ce dernier, tel n’est pas le cas d’une déclaration de sinistre faite auprès du Courtier, qui est le mandataire de l’assuré et non celui de l’assureur, sauf à caractériser l'existence d'un mandat donné par l'assureur au Courtier, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. 
 
Cass. Civ. II, 30 mars 2023, n°21-17.641 


ACTION EN GARANTIE CONTRE L’ASSUREUR SANS MISE EN CAUSE DE L’ASSURE

12/02/2024 - La recevabilité de l'action en garantie dirigée contre un assureur n'est pas subordonnée à la mise en cause de son assuré (Cass. Civ III, 1 février 2024, n° 22-21025).

En 2006, une SCI avait fait construire un bâtiment à usage commercial devant être exploité par une Société S., sous la maîtrise d'œuvre d’une Société C., assurée auprès de la Société PFA (aux droits de laquelle vient la Société Allianz IARD) et de la Société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les Sociétés MMA. 
 
Le lot carrelage avait été confié à une Société P., également assurée auprès des Sociétés MMA, et qui avait sous-traité des travaux à la Société B., assurée auprès de la Société Axa. 
 
Après la réception, prononcée le 26 juillet 2006, en raison de désordres affectant le carrelage, la SCI et la Société S. avaient assigné les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation de leurs préjudices. Les Sociétés MMA avaient appelé la Société Axa en intervention forcée. 
 
Devant la Cour de cassation, les Sociétés MMA ont formé plusieurs griefs contre l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 juillet 2022), et notamment d’avoir déclaré irrecevable leur appel en garantie dirigé contre la Société Axa, soutenant que l'assureur de responsabilité d'un entrepreneur est recevable à appeler en garantie l'assureur de son sous-traitant, co-responsable des dommages causés à la victime, sans avoir à appeler cet assuré dans la cause, estimant ainsi que par l’arrêt déféré, la Cour d'appel avait violé l'article L. 124-3 du Code des assurances
 
La Cour de cassation a jugé qu’aux termes de cet article, le tiers lésé disposait d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, et qu’aux termes de l'article 334 du code de procédure civile, une partie assignée en justice est en droit d'en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.  
 
La mise en cause de l'assuré n'était pas une condition de la recevabilité de l'action directe du tiers lésé (Civ. I, 7 novembre 2000, n° 97-22582, Bull. 2000, I, n° 274 ; Civ. III, 15 mai 2002, n° 00-18.541, Bull. 2002, III, n° 98). 
 
Le pourvoi posait la question de savoir si cette même règle devait s'appliquer lorsque l'action exercée n'est pas l'action directe du tiers lésé mais un appel en garantie formé par le responsable des dommages. La Cour de cassation a ainsi statué :  
 
« Comme en matière d'action directe du tiers lésé, si la présence de l'assuré apparaît indispensable à la solution du litige, les parties intéressées, en particulier l'assureur, peuvent l'appeler à l'instance en garantie ou être invitées à le faire par le juge et, à défaut, l'assuré auquel la décision ferait grief peut former tierce opposition. 
 
Dès lors, une différence dans les règles applicables à la recevabilité des deux actions ne se justifie ni par des raisons tirées des textes qui les régissent, ni par des raisons de principe.  
 
Dans la mesure où la mise en cause de l'assuré n'est pas indispensable pour statuer tant sur le principe que sur l'étendue de sa responsabilité, exiger cette mise en cause en cas d'action en garantie contre l'assureur entraverait de manière injustifiée l'exercice des actions récursoires.  
 
Il y a donc lieu de juger que, comme en matière d'action directe du tiers lésé, la recevabilité de l'action en garantie dirigée contre un assureur n'est pas subordonnée à la mise en cause de son assuré.  
 
Pour déclarer irrecevable l'action en garantie exercée par les sociétés MMA contre la société Axa, l'arrêt énonce que l'appel en garantie, distinct de l'action directe prévue par l'article L. 124-3 du code des assurances, requiert la mise en cause de l'assuré pour que sa responsabilité soit établie. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés
». 
 
Cass. Civ III, 1 février 2024, n° 22-21025, Publié au bulletin 


SUR LE PRINCIPE DE PROPORTIONNALITE DANS L'INDEMNISATION DU MAITRE D'OUVRAGE

26/01/2024 - Le principe de proportionnalité du coût des réparations au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées, est appliqué par la Cour de cassation dans certaines circonstances.

Le principe de réparation intégrale implique que le débiteur de l’obligation, dont la responsabilité est retenue, doive replacer la victime du dommage dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage n’était pas survenu.

La Cour de cassation faisait traditionnellement une application stricte de ce principe conduisant parfois à un écart conséquent entre le dommage subi par la victime et le coût des travaux réparatoires devant être supportés par le débiteur. 
 
Par un arrêt remarqué de la troisième Chambre civile du 6 juillet 2023, la Cour de cassation a décidé que le juge saisi d'une demande de démolition-reconstruction d'un ouvrage en raison des non-conformités qui l'affectent, doit rechercher, si la demande en est faite, s'il n'existe pas une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi (le Constructeur) et son intérêt pour le créancier (le maître d’ouvrage) au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées. En cas de disproportion manifeste, les dommages-intérêts alloués sont souverainement appréciés au regard des seules conséquences dommageables des non-conformités retenues, dans le respect du principe de la réparation sans perte ni profit pour la victime. 
 
Cet arrêt, salué notamment par les assureurs, ne s’applique cependant qu’à des situations particulières, sans constituer un principe général. Il fait suite à un arrêt précédent du 17 novembre 2021 (Cass. Civ. III, n° 20-17218 : en présence de non-conformités dénuées de gravité alors que le respect des règles de l’art et de la réglementation en vigueur était assuré après réalisation des travaux ordonnés, la Cour de cassation avait retenu que la démolition-reconstruction se heurtait au principe de proportionnalité des réparations au regard de l'absence de conséquences dommageables des non-conformités constatées). 
 
Dans la présente espèce, à l'achèvement d’un pavillon édifié dans le cadre d’un contrat de construction de maison individuelle, la délivrance du certificat de conformité avait été refusée en raison d'un défaut d'implantation altimétrique : l’immeuble était bien en conformité avec les exigences du plan d'occupation des sols, mais pas avec celles du règlement de lotissement. Il avait ainsi été relevé une différence d’altimétrie de 35 cm. 
 
Les maîtres d’ouvrage avaient demandé la démolition-reconstruction intégrale, après avoir constaté un dysfonctionnement du réseau d'évacuation d'eaux usées. Or, il était apparu que ce défaut de conformité n’était pas à l'origine du dysfonctionnement du réseau d'évacuation d’eaux usées de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination. 
 
L’article 1221 du Code civil (issu de la réforme du Droit des obligations) dispose que « Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier », instituant ainsi un contrôle de proportionnalité.  
 
Si les deux arrêts ici visés (17 novembre 2021 et 6 juillet 2023) ont été prononcés au visa des textes antérieurs à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (ayant réformé le Droit des obligations), la Cour de cassation a retenu dans ce dernier arrêt que « En l'état de la jurisprudence, la demande de démolition et de reconstruction peut faire l'objet d'un contrôle de proportionnalité lorsqu'elle est formée au titre de l'exécution forcée ou en nature du contrat, tandis que si elle est présentée sous le couvert d'une demande de dommages-intérêts d'un montant égal à celui de la démolition et de la reconstruction, le juge saisi, qui apprécie souverainement les modalités de réparation et leur coût, n'est pas tenu à un tel contrôle. La différence de traitement qui en résulte, tant au regard des droits et obligations des parties placées dans une situation semblable qu'en ce qui concerne l'office du juge, n'apparaît pas justifiée ». 
 
Il n’en demeure pas moins que le contrôle de proportionnalité suppose d’une part que l’ouvrage réalisé soit conforme aux dispositions d’ordre public en matière d’urbanisme dont le non-respect exposerait le maître d’ouvrage à des conséquences ou à des sanctions, et que, d’autre part, les dommages allégués ne soient pas de nature décennale au sens des dispositions de l’article 1792 du Code civil
 
À notre sens, cette jurisprudence ne pourrait être invoquée pour diminuer drastiquement les réparations nécessaires, soit pour rendre l’ouvrage conforme à des dispositions d’urbanisme contraignantes, soit pour rendre l’ouvrage conforme à sa destination en proposant une indemnisation calculée sur la base d’une modification substantielle des prestations promises, tout particulièrement dans le cadre du contrat de construction de maisons individuelles. 
 
Cass, Civ. III, 6 juillet 2023, n° 22-10884 

  
EN SOUS-TRAITANCE, SEUL LE MAITRE D'OUVRAGE PEUT ACCORDER UNE DELEGATION

08/12/2023 - La convention par laquelle le sous-traitant de premier rang délègue au sous-traitant de second rang, non pas le maître de l'ouvrage, mais l'entreprise principale, ne constitue pas la délégation de paiement au sens de la Loi du 31 décembre 1975. 

La société C., agissant comme maître de l'ouvrage, avait confié à la Société S. des travaux de construction. Cette dernière avait sous-traité une partie de son marché à la société A., qui avait elle-même sous-traité la fourniture de menuiseries à la société B. 
 
La société A., sous-traitante de premier rang, avait délégué la société S., entreprise principale, dans le paiement de la société B., sous-traitante de second rang. 
 
Après la mise en liquidation judiciaire de la société A., la société B. avait mis en demeure la société S. de lui payer le solde de sa créance puis l'avait assignée en paiement. Par un arrêt du 8 mars 2022, la cour d’appel de Rennes avait débouté la société B. (sous-traitant de second rang) de sa demande formée à l’encontre de la société S. (entreprise principale). La société B. s’était pourvue en cassation. 
 
Par un arrêt de la troisième chambre en date du 23 novembre 2023 (n° 22-17027), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi aux termes des attendus suivant : 
 
« Pour l'application des dispositions de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, le maître de l'ouvrage est celui qui conclut le contrat d'entreprise ou le marché public avec l'entrepreneur principal, y compris à l'égard des sous-traitants de cet entrepreneur, quel que soit leur rang. 
 
Dès lors, la convention par laquelle le sous-traitant de premier rang délègue au sous-traitant de second rang, non pas le maître de l'ouvrage, comme le prescrit l'article 14 de la loi précitée, mais l'entreprise principale, ne constitue pas la délégation de paiement au sens de ce texte. 
 
La délégation de l'entreprise principale au paiement du sous-traitant est en conséquence soumise aux seules dispositions supplétives de l'article 1275 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et désormais à celles de l'article 1338 de ce code, de sorte que les parties peuvent déroger à l'interdiction faite au délégué d'opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire. 
 
La cour d'appel ayant relevé que le maître de l'ouvrage de l'opération de construction était la société C., qui avait confié l'exécution des travaux à la société S., elle en a exactement déduit que celle-ci n'avait pas la qualité de maître de l'ouvrage, peu important la dénomination retenue dans l'acte de délégation. 
 
Les dispositions impératives de la loi du 31 décembre 1975 n'étant pas applicables à la délégation litigieuse, elle a recherché si les conditions prévues par cette convention pour le paiement du délégataire étaient réunies et c'est par une interprétation souveraine de ses stipulations ambiguës que la cour d'appel a retenu que le délégué ne s'était pas engagé à payer les factures qui lui seraient adressées directement par le délégataire. 
 
Le moyen n'est donc pas fondé
». 
 
Il s’en déduit que le sous-traitant de rang inférieur (au-delà du premier rang) ne peut accepter une délégation de paiement consentie par une entreprise principale et, à défaut de pouvoir obtenir une délégation de paiement du maître d’ouvrage ou un paiement direct (s’il s’agit d’un marché public), il doit exiger une « une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié » dans les termes de l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975.

Cass Civ. III, 23 novembre 2023, n° 22-17027, publié au Bulletin


DESORDRES EVOLUTIFS : L'EVOLUTION DE LA JURISPRUDENCE  :

26/09/2023 - La Cour de cassation a récemment confirmé que les désordres évolutifs sont couverts par la garantie décennale, s’ils sont contenus en germe dans les malfaçons initiales et proviennent des mêmes causes. 

Par un arrêt récent (25 mai 2023, n° 22-13410), la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a retenu le caractère évolutif de désordres en relevant leur lien avec des malfaçons initiales constatées en temps utile. 
 
Des maîtres d’ouvrage avaient fait construire un immeuble d’habitation et souscrit un contrat d'assurance dommages-ouvrage. La réception des travaux avait été prononcée le 8 septembre 2003. 
 
Ayant constaté plusieurs désordres, ils avaient régularisé une déclaration de sinistre auprès de leur assureur le 24 juin 2013, quelques mois avant l'expiration du délai décennal. Il s’agissait de fissures et de décollements de carrelage, des problèmes de fermeture de menuiseries extérieures, un défaut d'étanchéité des menuiseries et des traces de moisissures. 
 
Après l'expiration du délai décennal, d'autres désordres étaient survenus, s’agissant notamment de problèmes d'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée et des infiltrations d'eau sur la fenêtre coulissante d’un palier au premier étage. 
 
Il s'agit de déterminer si ces désordres survenus après l’expiration du délai décennal pouvaient être considérés comme des désordres évolutifs, résultant directement des désordres initiaux apparus dans le délai décennal. 
 
La Cour d'appel de Montpellier, saisi d’un recours, avait estimé que ces désordres étaient liés à des malfaçons initiales, présentes depuis la construction de l'ouvrage, appliquant ainsi la jurisprudence des désordres évolutifs (Cass. Civ. III, 18 janvier 2006, n° 04-17400), selon laquelle des désordres sont couverts par la garantie décennale « s'ils trouvent leur siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature a été constaté et dont la réparation a été demandée en justice avant l'expiration de ce délai ». 
 
Aux termes de son arrêt du 25 mai 2023, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des assureurs en adoptant la motivation suivante : 
 
« 9. La cour d'appel, qui a constaté que le désordre affectant le carrelage fissuré et cassé du premier étage avait été pris en charge par l'assureur dommages-ouvrage, a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'expertise diligentée par celui-ci avait conclu que deux carreaux sur trois du carrelage du rez-de-chaussée sonnaient creux et que l'expert judiciaire avait imputé ces désordres à un même défaut d'exécution lié au délitement de la chape résultant d'un insuffisant dosage de la colle et au passage de fourreaux dans la chape de support sans chape de ravoirage. 
 
10. Ayant souverainement retenu que les pathologies affectant le carrelage du rez-de-chaussée étaient identiques à celles du premier étage, ce dont il résultait que les désordres constatés par l'expert affectant le carrelage du rez-de-chaussée trouvaient leur siège dans un même ouvrage où un désordre identique avait été constaté avant l'expiration du délai de garantie décennale, elle en a exactement déduit que la garantie de l'assureur dommages-ouvrage au titre des désordres du carrelage du rez-de-chaussée était due. 
 
11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision
». 
 
Rappelons toutefois que les désordres apparus après l’expiration du délai d’épreuve ne peuvent pas être considérés comme des désordres évolutifs au sens de la jurisprudence, s’ils sont indépendants des désordres initiaux (Cass. Civ. III, 4 octobre 2018, n° 17-23190). 
 
Cass. Civ. III, 25 mai 2023, n° 22-13410, Publié au Bulletin


RESPONSABILITE DU MAÎTRE D'OUVRAGE EN CAS DE SOUS-TRAITANCE IRREGULIERE  :

29/07/2023 - Le maître de l’ouvrage qui paye l’entrepreneur principal, alors qu’il a connaissance de la présence d'un sous-traitant sur le chantier, engage sa responsabilité envers ce dernier pour avoir tardivement mis en demeure l’entreprise de le déclarer. 

Un sous-traitant, non déclaré par l’entreprise principale au sens de la Loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, et non réglé en raison du redressement suivi d’une liquidation judiciaire de cette dernière, avait assigné le maître d’ouvrage en paiement de sa créance sur le fondement de l'action directe et, subsidiairement, en indemnisation de son préjudice sur le fondement de l'article 14-1 de ladite Loi du 31 décembre 1975
 
En cause d’appel, pour rejeter la demande indemnitaire du sous-traitant à l'encontre du maître de l'ouvrage, l'arrêt (Versailles, 21 octobre 2021) retint que la mise en demeure adressée par ce dernier plus de douze mois après avoir eu connaissance de l'intervention du sous-traitant, alors qu'il avait déjà réglé 95 % du montant du marché à l’entrepreneur principal, était manifestement tardive et inefficace, de sorte qu'il n'avait pas respecté l'obligation visée au premier tiret de l'article 14-1 susvisé. 
 
La Cour d’appel ajouta que le préjudice subi par le sous-traitant en lien de causalité avec la faute du maître de l'ouvrage était constitué par la perte de l'action directe qu'il aurait pu mettre en œuvre plus rapidement si cette mise en demeure avait été faite en temps utile, et que la perte de cette action ne portait pas sur une assiette plus large que celle dont le maître de l'ouvrage était redevable au moment de l'exercice de ladite action. 
 
La Cour de Versailles en déduisit que, le sous-traitant ayant déjà été indemnisé au titre de son action directe, il ne justifiait d'aucun préjudice complémentaire pouvant être indemnisé. 
 
La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi, retint que le maître de l’ouvrage avait déjà connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier avant de payer l’entrepreneur principal. Il mit en demeure l’entreprise principale plus de dix mois après, alors qu’il lui avait déjà réglé 95 % du prix du marché. Elle en déduisit que cette mise en demeure était manifestement tardive et inefficace, de sorte que le maître de l’ouvrage n’avait pas respecté son obligation, et renvoya la cause et les parties devant la Cour d’appel de Paris, concernant l’indemnisation du sous-traitant. 
 
Cass. Civ. III, 16 mars 2023, n° 21-25726 
 
A retenir : 
 
Le maître de l’ouvrage, quoi a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant qui ne lui a pas été présenté, doit mettre en demeure l’entrepreneur principal de le faire. À défaut, il engage sa responsabilité extracontractuelle envers le sous-traitant (Cass. Civ. III, 29 janvier 1997, n° 95-11802).  
 
La responsabilité est encourue lorsque le maître de l’ouvrage paye l’entrepreneur principal alors qu’il a connaissance de la présence du sous-traitant (Cass. Civ. III, 20 octobre 2004, n° 03-11507), même s’il l’a payé intégralement (Cass. Civ. III, 14 novembre 2001, n° 00-12722).  
 
Le préjudice indemnisable s’entend généralement du solde dû au sous-traitant (Cass. Civ. III, 14 avril 1999, n° 97-17055). En principe, si le sous-traitant peut exercer l’action directe, il n’y a pas lieu de mettre en œuvre la responsabilité du maître de l’ouvrage. En l’espèce, les conditions de l’action directe ont été remplies, mais tardivement. 
 
Au titre de l’action directe, la Cour d’appel a alloué une somme au sous-traitant correspondant à ce que le maître de l’ouvrage devait encore à l’entrepreneur principal, mais bien inférieure à la créance du sous-traitant. 
 
Au titre de la tardiveté, le maître de l’ouvrage devait réparer le préjudice du sous-traitant, conformément à la jurisprudence selon laquelle sa responsabilité est encourue même s’il a payé intégralement l’entrepreneur principal. Un autre arrêt du même jour condamne également en ce sens ce même maître de l’ouvrage envers un autre sous-traitant (Cass. Civ. III, 16 mars 2023 n° 21-25724). 


SOUS-TRAITANCE ET EXCEPTION D'INEXECUTION  :

27/06/2023 - Le sous-traitant ne peut pas recourir au mécanisme de l'exception d'inexécution pour contraindre l'entrepreneur principal à délivrer une garantie de paiement. 

La Loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance protège le sous-traitant en imposant à l'entrepreneur principal, d'une part, de faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage et en l'obligeant, d'autre part, à fournir au sous-traitant une garantie de paiement sous la forme d'une caution personnelle et solidaire, à défaut d'une délégation de paiement. 
 
En cas de non-respect de ces dispositions d'ordre public, le sous-traitant peut se prévaloir de la nullité du contrat, le résilier unilatéralement ou, encore, demander au juge d'ordonner la délivrance de la garantie. 
 
Peut-il cependant, au lieu d'user de ces possibilités, choisir de suspendre l'exécution de ses travaux jusqu'à ce qu'il obtienne la garantie qui lui est due, c'est-à-dire de se preévaloir de l'exception d'inexécution ? 
 
La Cour de cassation répond négativement. Si le sous-traitant n'use pas de sa faculté de résiliation unilatérale et n'invoque pas la nullité du contrat, celui-ci doit recevoir application. 
 
A lma différence du contrat d'entreprise principal, pour lequel l'article 1799-1 du Code civil prévoit la possibilité de suspendre l'exécution des travaux en l'absence de fourniture d'une garantie par le maître d'ouvrage, la Loi du 31 décembre 1975 ne prévoit pas cette possibilité pour le sous-traitant. 
 
Dès lors, l'exception d'inexécution ne peut être utilisée pour contraindre l'entrepreneur principal à délivrer la garantie car cela pourrait caractériser un abandon de chantier autorisant une résiliation du contrat de sous-traitance aux torts du sous-traitant. 
 
Cass. Civ. III, 10 novembre 2021, n° 20-19372. Publié au Bulletin.


RECEPTION AU SENS DE LA LOI SUR LA RETENUE DE GARANTIE  :

28/02/2023 - La Cour de cassation vient de rappeler que la Loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 relative à la retenue de garantie en marchés privés ne distingue pas entre réception amiable, tacite ou judiciaire des travaux réalisés. 

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt dans les termes suivants :

« La retenue de garantie et la caution solidaire qui peut s'y substituer, prévues à l'article 1 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971, ont pour objet de protéger le maître de l'ouvrage contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux de levée des réserves à la réception (3e Civ., 22 septembre 2004, pourvoi n° 03-12.639, Bull. 2004, III, n° 154 ; 3e Civ., 4 février 2016, pourvoi n° 14-29.836, Bull. 2016, III, n° 21). 
 
Selon l'article 2 de cette loi, à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception des travaux, faite avec ou sans réserve, la caution est libérée, même en l'absence de mainlevée, si le maître de l'ouvrage ne lui a pas notifié, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur. 
 
Il résulte de ce texte, qui ne distingue pas entre réception amiable, tacite ou judiciaire des travaux réalisés, que le délai à l'expiration duquel la caution est libérée ne peut commencer à courir avant la date de la réception. 
 
La cour d'appel a constaté qu'un arrêt du 26 avril 2018 avait prononcé la réception judiciaire des travaux exécutés par la société CPES aux 10 et 14 juin 2013, avec des réserves, et que le maître de l'ouvrage avait mis en demeure la banque d'exécuter son engagement le 29 novembre 2013 et avait notifié à celle-ci une opposition à mainlevée le 6 juin 2014. 
 
Elle en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, que, les conditions d'application de l'engagement de caution au bénéfice du maître de l'ouvrage étant réunies à la date à laquelle elle a statué, la demande en paiement de la SCCV était recevable et, après avoir constaté que le coût de la levée des réserves était supérieur au montant du cautionnement, qu'elle devait être accueillie
».


Cass. Civ. III, 11 janvier 2023, n° 21-11053, publié au Bulletin.